§14 Vendredi 7 novembre 2014, après le repas
Alain ne ratait pas une occasion de lancer des piques à l’encontre de Piarron, la fin du repas en était une énième occurrence : « pour nous caler, mieux vaut un estomac plein qu’une robe trouvée à St Brice…
— Il y a des choses qu’il vaut mieux avoir que d’autres, par exemple « mieux vaut un chien qui trouve que dix qui cherchent » et pour le moment, j’aimerais bien trouver la pièce pour finir le puzzle, mais comme Sonia le dit de toi, qui aime faire le staracademicien, « mieux vaut un bon bâton pour marcher qu’un mauvais compagnon ». Je vais commander les cafés, qui en prend un ? Un déca pour toi, c’est noté, un thé pour toi, oké !
— Sonia, dis-moi, c’est quoi cette histoire de roman dont tu parlais tout à l’heure.
— Ma pauvre Sylvaine, je crois que je me suis attelé à une tâche qui me dépasse. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’avais demandé à Alain de venir mercredi, comme policier bien sur, et pour finir, c’est la raison pour laquelle tu es là également.
Voici, au début, il y a une forme de compétition internationale dont l’objet est d’écrire une histoire durant le mois de novembre, à raison de plus de mille six cents mots par jour. Une fois le mois terminé, tu as un livre d’environ cinquante mille pages. Tu es libre du style, du genre. Par exemple, j’ai choisi une enquête policière donc l’action se déroule au Moyen Âge. Au tout début, il y a un roi qui donne une couronne à un chevalier qui s’est montré vaillant au combat. En la lui donnant, il lui demande de la porter pour amour pour lui, ce qui fait que la reine le prend un peu mal et décide de tuer le chevalier…
— Comme ça, d’un coup ! L’interrompt Sylvaine en mimant le geste avec un couteau.
— Non, pas de couteau dans le dos, la reine l’étouffe avec une perle, un peu comme votre morte à la Rochelle… je savais rien quand j’ai fait mon plan, je le jure !
— Sonia, si dans la suite il y a un train de chevaux… je te fiche en prison, de suite. Je commence à me poser des questions.
— Mais non, mais non, la vérité est simple. Donc, la reine tue le chevalier, dès le premier chapitre, je le dis même, enfin, je le laisse entendre car il me faut une histoire d’environ 50000 mots, mais, dans l’histoire, je dis clairement que la reine est, au moment du meurtre, la reine est à la messe. Donc la reine, qui sera ensuite l’objet du soupçon par un peu tout le monde, je dis clairement qu’elle ne peut pas être au four et au moulin. De plus, j’en dresse un sale portrait, celui d’une femme hautaine, désagréable, que personne ne peut voir en peinture. Les prêtres qui mènent l’enquête doivent faire en sorte qu’elle ne soit pas inquiétée, puisque c’est la reine et qu’elle se trouvait à la messe, et une de leurs tâches est de préserver la stabilité du pouvoir. Je fais cependant intervenir des trobadors pour mener une enquête parallèle ; ce sont eux qui vont trouver l’explication au tour de passe-passe.
— Hé bien ! C’est un beau défi que tu te lances ici, j’espère que tu vas réussir mais sur… combien de page déjà ?
— Au final, ça fait environ 170 pages. Je dis environ car il y a les règles et l’esprit des règles. SI c’est un peu plus, ou un peu moins, rien de grave.
— J’aimerais savoir cependant comment tu fais, au Moyen Âge, pour que la reine soit dans un endroit et dans un autre. Vois-tu, nous en sommes un peu là avec notre blonde aux longs cheveux. Nous l’avons vu sur un film d’une caméra de surveillance à la Rochelle, peut-être cette personne est-elle, en même temps, à St Junien. Si tu as une explication.
— Mais dans mon histoire, c’est très simple. La reine entre dans l’église, monte un étage pour s’installer dans une loge qui est réservée aux nobles. Elle dépose ses gants sur la balustrade, mais si les gants sont visibles, rien de dit que la reine ne s’est pas échappée par une porte dérobée. Une fois sortie, elle chevauche en parallèle à la rue principale remplie de marchands du fait de la fin de la guerre et des fêtes. Arrivée à l’auberge, elle tue le chevalier et retourne à la messe en espérant ne pas avoir été vue. Ne critiquez pas, je sais que ce n’est pas l’énigme du siècle, mais cela me plait d’écrire sur cette histoire.
— Le problème n’est pas l’intrigue mais la chance qu’il lui faut pour quitter l’église, même en laissant un témoin de sa non-présence, pourvoir faire un aller-retour sans être vue, et finir par sortir de la messe comme si de rien n’était.
— Le hasard, rien de plus que le hasard et la chance. C’est une fiction…
— Je lui l’ai dit mercredi que dans le véritable monde une telle histoire n’est pas possible.
— Vous avez raison sur ce coup-ci Alain. Le hasard et les coïncidences ne sont pas des choses prisées dans notre métier, mais nous pouvons nous inspirer de la fiction pour comprendre le réel. Par exemple, je trouve que le chevalier tué ressemble un peu à la pauvre Anna, la reine pourrait être notre blonde… et au final, nous allons devoir demander à Sonia des comptes sur toute cette comédie.
— Ho que non Sylvaine, dit Piarron, ne touchez pas un cheveu de Sonia. Elle ne peut pas faire la voyante, qui je vous le rappelle, est morte dans cette ville.
— Merci mon grand ! Tu es mon chevalier à moi et je ne te ferai pas mourir dans mon livre.
— Mais, j’y pense avec cette histoire de reine qui se déplace d’un endroit à l’autre, vous avez contrôlé les billets de cette madame Fontanilhas qui venait de Limoges… non, d’Orléans…
— Oui, elle nous a montré des billets compostés. Ce n’était pas facile pour elle car elle les utilise comme marque-page dans de multiples livres et revues. Au final elle avait une vingtaine de billets, même un Orléans – La Rochelle du mois de février. Nous avons vu le Orléans – Châteauroux où elle a été obligé de passer la nuit, comme une moins-que-rien.
— Elle nous a racontait cette histoire.
— Ha, s’écria Sonia, vous voyez que c’est facile de laisser perdre un indice pour faire croire. Mon histoire ne sera peut-être pas si couillonne une fois achevée. Enfin, c’est le chemin qui compte, et le créateur du NaNoWriMo l’a déjà dit « de la quantité, de la quantité, de la quantité… la qualité viendra avec le temps », ou quelque chose comme ça. Les Américains sont moins formalistes sur bien des choses. Sur le nombre de mots, n’ayez pas peur pour moi, je rajouterai des éléments du présent, ou les petits riens qui vous tombent dessus, comme ce matin avec Amélie Nothomb… Jan-la-critique, sans te commander, donne-moi mon sac.
Ce matin, quand j’ai fait l’entretien ou peut-être au moment de l’autographe, je suis repartie avec un morceau de papier. Pour moi c’était un papier de rien du tout, mais allez savoir avec Amélie Nothomb, d’autant plus que sur ce papier, au milieu des dates, il y avait un haiku de noté. Vous savez ces petits poèmes japonais en 3 lignes. En lui redonnant le papier, je lui ai dit que avec son autorisation, ce haiku, je le mettrai bien dans mon NaNo.
Elle regarda le papier un instant et m’en expliqua l’histoire. À Orléans, elle s’apperçu qu’alle n’avait plus son agenda avec elle, et, l’unique papier sur lequel figuraient les dates de sa tournée, ce fut la directrice de la librairie qui le lui donna, votre madame Fontanilhas. En même temps, elle suit la ligne du train, Orléans le mardi, Vierzon le mercredi, Châteauroux le jeudi et Limoges ce vendredi. La suite de son périple change de sens et elle part de Cahors pour Brive, puis Périgueux, Bordeaux… ce ne sont pas mes affaires.
Pour revenir à ce petit poème, Amélie pense que le haiku est de la directrice, car elle l’a vu tirer le papier de son exemplaire de Pétronille. Tenez, le voici.
La journaliste trouva enfin le papier vert bouteille, elle le déplia et elle commença à lire, lentement :
« Je sais tout,
Même quand vont fleurir
Mes chrysanthèmes. »
— Mais, mais, mais, échappa Alain, suivi de l’inspectrice qui ajouta, donne-moi ce papier que je regarde.
Le visage aussi blanc que si elle avait vu un fantôme, Sylvaine tendit à Alain le bout de papier dont le visage à lui aussi porta les marques de l’interrogation. Il prit aussitôt des photos du bout de papier avant de les envoyer au bureau.
— Mais c’est pas vrai, ça, c’est pas vrai.
— Vous pouvez nous expliquer un peu les deux là ?
— Sonia, viens-la que je te fasse la bise.
— Sylvaine, les gens vont jaser maintenant. Même si c’est possible, je ne compte pas me marier, ni aujourd’hui, ni demain, d’autant plus que nous ne sommes pas fiancées.
— T’es bien bécasse. J’ai mon homme à La Rochelle, ne t’en fais pas pour ça, et pour le mariage, n’y pense même pas. Plus sérieusement, sans attendre les résultats du labo et de l’analyse graphologique, grâce à toi, Sonia, nous allons pouvoir arrêter notre coupable cet après-midi.
* * *
Derrière les contrevents fermés, le diable ne se risquerait pas à venir perdre son temps. Un écureuil traversa la chaussée après avoir dégringolé d’une gouttière pour marquer un arrêt sur le trottoir avant de fuir à l’écoute du bruit motorisé qui montait la petite côte.
Il faisait chaud pour un début de novembre, chaud avec un vent trop faible pour souffler les feuilles mortes qui trainaient dans un peu partout.
Le virage était sec avant la montée et le panneau « arrêt » portait les marques sous forme de pliures des multiples fois où les personnes au volant de camions ou camionnettes n’ont pas perçu le message à temps.
Les capots des véhicules de gendarmerie ne se voyaient pas cachés par un morceau de mur, mais le bruit des véhicules fit se retourner les rideaux ; les gendarmes finissaient de descendre que le porte s’ouvrait et sur son seuil, la famille Fontanilhas.
— Encore !
— Doucement, c’est la dernière fois que nous venons vous déranger !
— Entrez !
Tout le monde entra. Les deux policiers de la Rochelle, les deux gendarmes de Saint Junien, Sonia qui avait promis de se faire petite-petite se retrouvèrent assis face à monsieur et madame Fontanilhas, tous, sauf Sylvaine qui décida de mener la danse.
— J’ai une histoire à vous raconter Madame Fontanilhas, et je vais vous la raconter comme elle m’apparait. Je peux me tromper sur un ou deux points, mais vous compléterez.
Cette histoire commence il y a environ 5 ans de cela. Le temps d’une journée au Japon, vous rencontrez M. Labecqua qui deviendra votre amant. C’était un grand amour, pas tout à fait conforme à l’ordre dans lequel vous vivez, mais il y avait de l’amour. C’est ce même amour qui vous a sorti de la dépression dans laquelle vous vous languissiez après la perte de votre enfant. Avoir un amant ne vous dérangez pas trop dans la mesure où votre homme vous avait fait quelques infidélités de son côté. Cet amour vous a redonné confiance à un point tel que vous avez recommencé à travailler, dans un domaine qui vous convient. Vous avez même songé à ouvrir une seconde librairie dans la ville de votre amant, c’est-à-dire La Rochelle.
Un jour que vous prospectiez la ville, peut-être y a-t-il 2 ou 3 ans, vous tombez sur le couple Labecqua. De nouveau, l’amour vous fait un signe et vous entamez une relation avec madame, cette fois. C’est votre droit, je ne suis pas juge de la bonne moralité du monde. Je note que les deux ou trois fois que vous nous avez dit avoir rencontré Anna Labecqua sont à multiplier par un bon cent. Enfin, l’amour vous guide encore, et c’est peut-être même Anna qui vous demande de faire paraître vos haiku. La dépression semblait éloignée pour longtemps.
Mais le temps passe, et Anna vous aime. Elle vous presse pour laisser votre marri et pour venir vivre avec elle. Les rendez-vous dans l’hostellerie ont un certains charmes, mais il a fait son effet. Notez que vous avez pris un risque grand d’aller dans le même hôtel que lors de vos rendez-vous avec monsieur.
Il y a peut-être trois mois de cela, Anna rencontre une voyante a Angoulême, Maëlina Campanys, et, ainsi faisant, vous n’avez plus été la seule femme dans sa vie. Elle prit le même risque que vous et les deux femmes se rencontrèrent dans le même hôtel.
Le personnel sait y tenir sa langue ; pour Monsieur vous vous êtes toujours présenté bien habillée, élégante comme une Parisienne, pour Madame, c’était un peu plus relâché, à un point que jamais il n’y a eu confusion. Bravo.
Pour ne pas se tromper, Anna, elle, prenait toujours la chambre 19 pour Maëlina, la 18 pour vous. Vous, vous avez appris cette relation il y a une quinzaine de jours, peut-être un peu plus. Non pas en parler, non pas mettre des mots sur un mal, vous avez pris son journal intime et avez écrit « je sais tout », en imitant l’écriture de votre amante. Anna était assez impressionnable et ne savait plus d’où venaient ces mots, pas plus de la date où elle avait pu les écrire.
Un jour qu’il fouillait dans les affaires de sa femme, Christian Labecqua interpréta ce même « je sais tout » comme le signal que sa femme savait pour votre relation. Avec beaucoup de lâcheté, il vous expliqua que votre relation serait probablement terminée au retour d’Angleterre d’Anna.
Votre homme en vacance à St Junien, vous invitez Anna chez vous sur le chemin de son retour, mais elle prétexta que son marri l’attendrait à la maison pour refuser. Seulement Christian se présenta chez vous la nuit du jeudi 30 pour avoir une explication, vous avez compris aussitôt qu’une chambre avait été réservée dans le petit hôtel à trois pas du port de la Rochelle, une chambre qui avait pour numéro le 19, la déclinaison féminine en brune.
Ce détail nous a induit en erreur parce que nous pensions Maëlina coupable, et nous recherchions une blonde, celle qui s’est présentée devant les caméras de l’hôtel.
Ce qui a précipité votre envie d’en finir ce fut l’annonce de la rupture, ce même jeudi soir.
Qu’avez vous alors imaginé, je l’ignore, mais vous avez proposé à Christian Labecqua de rester chez vous pour la nuit du jeudi au vendredi. Ce vendredi matin, il laissa une poche chez vous, une poche avec les nouvelle éditions du Matsumoto, les livres sur les bonzai et une de ces petites bouteilles de limonade japonaise, le ramune.
Vous avez fouillé, mais vous n’avez pris que la bouteille. Pour quoi faire ? Comme cela. Pourtant, perdre les livres auraient été plus facile pour le faire accuser. Enfin. Ce vendredi matin, vous travaillez à la librairie dans laquelle il y a une fête pour Halloween. Avant de partir pour déjeuner, vous vous tromper de sac et en prenez un dans lequel il y a des déguisements. Trop tard, il se retrouve dans le coffre avec votre valise. Ce sont les vacances ce soir, mais pour l’heure, vous accompagnez Christian à la gare des Aubrais.
Vous voulez acheter un billet pour Saint Junien via Châteauroux et Limoges, mais voilà, avec le monde, avec les vacances, avec les multiples manipulations, cela vous prend davantage de temps que pour Christian qui lui commande le premier billet pour la Rochelle.
C’est ainsi que vous risquez de voir partir votre ancien amant dans ce froid couloir de gare, sans un regard, sans un au revoir.
Vous demandez sur un coup de tête le même billet, et ainsi, vous comprenez que le premier billet énoncé par la guichetière fait passer par Paris, ce qui était une bonne chose pour Christian qui avait des lampes à récupérer.
13:35 les Aubrais à 14:36 Paris Austerlitz puis 16:12 Montparnasse à 19:26 la Rochelle
Vous, vous ne voulez pas monter à Paris pour redescendre, vous demandez l’horaire suivant dans la liste.
14:42 Orléans à 16:03 St-Pierre à 16:54 Poitiers puis 18:26 la Rochelle.
La compagnie des chemins de fer est une merveille de poésie pour le prix à payer de ses billets, elle vise le prix Nobel pour ses horaires.
En partant une heure après, les voyageurs arrivent une heure avant. C’est possible.
Vous prenez les billets des deux trajets, et les compostez même, cela peut toujours servir, tous, sauf le Limoges – St Junien, c’est une intuition personnelle. Comme vous avez un peu de temps devant vous, je pense même que vous téléphonez à l’hôtel pour savoir si madame Labecqua est arrivée ou pas. La personne vous a dit que pas unes réservations n’avaient été faites à ce non. La colère n’est pas bonne conseillère et un quart d’heure après, vous téléphonez des cabines de la gare pour simuler une réservation et pour demander comment font les personnes pour récupérer le code.
Vous prenez le train pour La Rochelle à 14h42, vous avec vos valises et le sac de déguisements. Le train arrivera à l’heure pour une fois, et une petite demi-heure de marche après, vous serez devant l’hôtel vers 19h00. Vous avez pris soin d’enfiler une perruque, parce que c’est vous la personne à la perruque dans cette histoire, et vous voila à demander le code de la chambre 19 avec votre portable, un portable que vous avez bien pris soin de ne pas utiliser jusqu’alors. Votre grand-père a été un bon professeur.
Comme Anna doit le regretter d’être aussi bien organisé et d’avoir, en professeure de latin, décliné ses relations du 17, le numéro de rue du couple, en 18 & 19 pour les extra-conjugales. Je termine ici mon aparté.
Chaussée de hauts talons, perruque sur la tête, robe , un attirail qui change de la Parisienne bien mise. Heureusement qu’il n’y a que 3 kilomètres. Une fois dans l’hôtel, vous savez où attendre Anna.
Je crois véritablement que vous ne désirez pas encore la tuer, l’effrayer. C’est pourquoi vous restez dans l’ombre, mais, toutes précautions sont bonnes à prendre, vous avez enfilé les gants de votre grand-père. Des gants d’aviateur, sans couture aux doigts. J’ai appris cela en visitant une fabrique, ici, à St Junien. Cette absence de couture nous a interrogés au commissariat.
Vous aviez envie de faire peur, et Anna, régulière en tout, arriva d’Angleterre, sans vous espérez vous. Elle entra dans la chambre et paniqua. Vous l’attrapez alors à la gorge pour la faire taire. Une fois calmée, elle désire boire.
Volonté ou pas, vous allez dans la salle de bain et remplissez la fiole de limonade. Par nervosité, le bouchon s’échappe et la bouteille que vous tendez à Anna contient la petite bille qui va s’avérer être fatale. Anna boit et s’étrangle, devant vous qui ne faites rien, peut-être même que vous fuyez pour ne pas voir le calvaire de votre amie.
Je continue ce découpage scène par scène, comme dans un film, vous corrigerez plus tard.
Arrive Maëlina, peut-être êtes-vous encore dans la pièce. Devant son amie morte, elle a un choc, elle est tétanisée. Effrayée, vous fouillez dans son sac et trouvez une bouteille d’alcool. Vous allez la faire boire. Très vite, vous constatez qu’elle n’est déjà pas dans un état normal. Vous décidez de partir avec cette fille. Vous ne savez pas où, mais il faut fuir.
Vous tirez la porte sur cette pauvre Anna, peut-être sans lui dire adieu.
La fille commence à raconter n’importe quoi, alors vous la faite boire, encore et toujours. Autour de vous, des gens font la fête mais vous, vous voulez fuir ces gens heureux. Vous trouvez la voiture de Maëlina et, malgré le système anti-alcool, vous réussissez à démarrer l’engin.
— Dans la Rochelle, j’ai songé un instant nous foutre à la mer. Mais je n’ai pas réussi à la trouver. Le système anti-alcool se déverrouille comme pour les horodateurs. Il faut envoyer un texto à l’horloge parlante, puis, au moment de la réponse, il faut poser le téléphone portable sur le panneau de commande. C’est mon fils qui m’a montré la manipulation.
— Vous voici parti toutes les deux pour Angoulême. Pourquoi cette ville, pour vous jeter dans la Charente ? Allumer le feu chez Maëlina ? Vous, vous n’avez pas bu, et vous savez que à 9h00, vous devez être à St-Junien. Alors, vous décidez de prendre le train. Peut-être même pour Limoges, sauf, sauf, que nous sommes une dimanchée de fête, et que le nombre de train est limité.
Pour vous un Angoulême – Saint Junien, pour Maëlina un Angoulême – Limoges et qu’elle s’y perde. Le train est annonçait et Maëlina joue sur l’écran de l’automate, vous allez devoir composer avec elle jusqu’à Saint Junien. Vous compostez les billets, même le Limoges – St Junien.
Dans le petit train, Maëlina fait des siennes, mais vous assurez en la faisant boire, en l’excusant. C’est ici que vous mettez dans ses affaires un livre de Matsumoto, ainsi que la bouteille de limonade. Ainsi, après le programme de l’exposition de París perdu sur la table de nuit de l’hôtel, vous semez des indices susceptibles de faire accuser votre dorénavant, ancien amant.
Les annonces dans le train vous renseignent qu’il sera impossible de respecter le théorème de Matsumoto ; il n’y aura pas deux trains en croisement ce jour-là.
Improvisation. Vous faites tomber Maëlina du train puis la laissez à la gare. Vous avez la fiche horaire et avez calculé que si les deux trains ne se croisent pas en gare de St-Junien, il vous faut trouver un moyen de descendre du train qui arrive de Limoges, ou pour le moins, le faire croire.
La gare de Saint-Brice est à 5 km de là. Une broutille pour vous qui etes assez sportive, peut-être avez-vous simplement changé de chaussure. Mais, mais, à St Brice, catastrophe, il n’y a pas de train en ce jour de Toussaint. Vous avez déjà changé de chaussure, vous vous défaites de votre robe, la perruque et jetez cela dans une poubelle, mais comment faites-vous pour être dans le train ? Cela me manque de savoir ?
— Une voiture passait et les gents à bord ont cru que je sortais de la gare. Ils m’ont proposée de m’accompagner. J’ai expliqué que mon train était à Saint Victurnien, ils m’y conduisirent. J’ai pris le train comme si de rien n’était, dit la femme, la voie blanche, loin de la personne fière.
— Un hasard comme celui-ci, madame Fontanilhas, cela n’existe que dans la littérature de gare, si je puis me permettre. Enfin, le train arrive, et ainsi, vous respectez le théorème.
Votre fille vous voit, elle vous hèle, mais, il y a mais, Maëlina elle aussi est là. Elle vous fait signe même. Vous avez changé de vêtements, mais elle vous fait signe. Vous paniquez et décidez de passer avec votre fille sur le côté de la gare, elle semble vouloir vous suivre. Pour son malheur, elle passe par les portes automatiques dont l’ouverture est fort dangereuse. En s’ouvrant, les portes jettent Maëlina hors de la gare, derrière votre voiture. Et là, ni un ni deux, vous ne faites pas un signe à votre époux qui est en train de manœuvrer, au contraire, vous lui faites le signe de reculer.
Après avoir semer des indices pour faire accuser votre amant, vous etes prête à faire accuser votre homme. Peu importe le type de femme que vous etes, vous oubliez simplement que vous aviez le soleil dans le dos, alors le coup de l’éblouissement à d’autre, en patois de Paris, cela s’appelle du « victime blaming ».
Voici l’histoire que je vais raconter aux juges. Je vous laisserai le loisir de la compléter.
— Comment avez vous fait pour trouver, demanda Piarron.
— J’ai longtemps soupçonné M.Labecqua, aidé d’un complice. Cette hypothèse est tombée avec la trouvaille de la perruque à St Brice, un lieu trop éloigné de la Rochelle pour y préparer un coup. Quand je vous ai demandé si vous aviez vu les billets de madame, j’ai bien compris qu’elle vous a montré des billets, peut-être pas les bons. De plus, je suis allé montrer une photo de Madame au chef de gare, en lui demandant de l’imaginer avec des cheveux longs, il a presque identifié la personne aux longs cheveux.
Mais, madame Fontanilhas, vous pouvez nous donnez votre lecture actuelle.
— Ce n’est pas la peine, vous y trouveriez le billet de train Limoges – St Junien, composté à Angoulême. En montant à St Victurnien, le contrôleur m’en a fait la remarque. Ce n’est pas interdit mais j’ai paniqué et l’ensemble des billets de mon sac se sont retrouvés mélangés.
— Au final, c’est le programme de votre librairie qui vous aura porté le coup fatal. Vous l’avez donné à Amelie Nothomb. Même avec ce haiku
« Je sais tout
Même quand vont fleurir
Mes chrysanthèmes »
de noté dessus, la probabilité qu’elle vienne à Limoges avec était nulle, aussi nulle que la journaliste qui fasse la page culture du Populaire connaisse les enquêteurs sur les deux meurtres. Et pourtant, la chance incroyable qui vous abriait depuis le début avaient une fin.
Le labo nous confirmera l’analyse graphologique du haiku, surtout la façon dont sont réalisés les « a », d’une seule boucle et à l’envers. Ce n’est pas facile à contrôler son geste, surtout en écrivant dans le journal intime d’une amante.